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Une nouvelle année...
18.01.2010 Me revoilà de retour à Fès. Mes craintes concernant le mauvais temps se sont confirmées, il parait qu'il a plu presque tous les jours pendant ce dernier mois et les ouvriers n'ont pas pû trouver une fenêtre de temps sec d'au moins une dizaine de jours afin de permettre à la terrasse du riad de sécher, ce qui aurait permis de placer le carton bitumeux et le goudron pour l'étancheité.
Ils ont été contraints de travailler à l'intérieur du riad et effectivement, ils ont bien avancé en crépissant les murs de deux façades.
En partant, Abdessalam, le chef de chantier, m'avait dit que les crépis devaient être faits au ciment, "bien plus solide que la chaux" m'avait-il assuré. Moi, je n'avais pas vraiment réagi, chez nous en France, on utilise partout le ciment pour ce travail.
Mais pendant mon absence, l'architecte est passé au riad et a voulu immédiatement arrêter les travaux et même faire détruire tous les crépis déjà faits pour la raison qu'ils n'avaient pas été faits à la chaux. Il est vrai, au descriptif, il est mentionné que ceux ci doivent être réalisés à la chaux et j'aurais dû mieux me renseigner avant le début du crépissage.
D'après l'architecte, un crépis réalisé au ciment sur un mûr maçonné à la chaux ne va pas tenir et se fissurer ou même éclater dans un délai de deux ou trois ans.
D'après Rachid et Abdessalam, c'est exactement le contraire, la chaux ne résiste pas à l'humidité dans les parties basses des murs et se décolle au fil du temps. Quant au ciment auquel ils ont ajouté du Sika, un adjuvent anti-humidité, il tiendra mieux. Alors qui croire ? Le travail à la chaux coûte certes plus cher au mètre carré que le ciment mais avec l'ajout du Sika, cela revient au même en terme de prix m'assure Rachid. De plus, en observant certains murs crépis à la chaux dans la médina, on peut se poser des questions. Il y a très souvent des auréoles d'humidité et les angles s'effritent souvent. Des graffitis réalisés avec des objets tranchants laissent de profondes saignées dans les murs.
De même le tadelakt qui est un enduit à la chaux et qui fait merveille dans les riads de Marrakech n'a pas le même bel aspect satiné ici à Fès. J'ai souvent observé qu'ici et surtout dans la médina où l'humidité est omniprésente, il n'a pas sa place et n'est d'ailleurs pas utilisé dans les maisons traditionnelles fassies.
Tout cela me laisse dubitatif. Chaux ou ciment ? Tradition ou moyens modernes ? Rachid évoque un de ses anciens chantiers où on lui a demandé d'utiliser la chaux et où de gros problèmes ont survenu au fil du temps à cause de l'humidité.
J'irai voir sur place et il me faudra alors décider si nous utiliserons la chaux ou si nous continuons avec le ciment.
23.01.2010. Ce matin avec Rachid, nous sommes allés rendre visite à une Anglaise qui tient une maison d'hôtes dans la médina. Sa maison est située 1,50m en dessous du niveau de la rue et la malheureuse a eu la mauvaise idée de tout enduire de tadelakt et de midlouk, deux enduits à la chaux. Le résultat est désastreux. Jusqu'à mi hauteur de la maison c'est à dire 5 à 6m, l'enduit transpire l'humidité et même par endroit, les murs ruissellent d'eau et bien sûr partout des cloques et des éclats. Tout est à refaire.
Pour ne rien arranger, la pauvre dame chauffe sa maison autant qu'elle le peut pour lutter contre la sensation de froid si bien qu'il y règne une ambiance de hammam.
En chemin, Rachid me fait observer bon nombre de façades de la médina crépies à la chaux: le matériau s'effrite en beaucoup d'endroits, surtout à la base des murs et aux angles et pourtant on voit nettement que le travail n'a pas été fait depuis longtemps.
Je trouve la chaux certes un très bon matériau, solide s'il est utilisé au bon endroit, c'est à dire dans des endroits secs et surtout après une longue attente, 6 mois voire 1 an avant d'être appliqué. On parle ici de "fermentation" de la chaux mais en fait, c'est tout simplement la transformation de la chaux vive en chaux éteinte en présence d'eau, processus rapide et exothermique au début et qui évolue ensuite lentement dans le temps.
24.01.2010. Rendez-vous de chantier aujourd'hui avec Amrani et Rachid. "Le mal est fait" selon l'architecte et c'est vrai qu'une bonne partie du riad est déjà crépie au ciment et il est difficile de revenir en arrière. Notre riad ne sera pas entièrement réalisé dans les pures traditions fassies commes les anciennes mosquées et les médersas et il faudra nous rattaper au niveau des finitions. Mais fasse le ciel que les remontées d'humidité et les fissures me soient épargnées ! Dans toutes les salles de bains où nous ferons du tadelakt et sur les murs exposés du rez de chaussée, nous devrons en outre faire un double crépissage avec une couche de carton bitumeux collé au goudron au milieu.
25.01.2010. Il a plu toute la journée d'hier et toute la nuit. Ce matin, une épaisse brume enveloppe la médina et l'humidité est omniprésente. Le "chta", comme on dit en arabe, s'est installé sur la ville.
Habiter au riad dans ma petite chambre n'est pas une synécure et je commence à sentir sérieusement le froid. La nuit, passe encore, emmitouflé dans mes deux sacs de couchage mais lire un peu avant de se coucher n'est plus vraiment un plaisir.
Les travaux d'étanchéité à la terrasse sont remis aux calendes grecques bien que l'eau s'infiltre encore le long des murs. Cette nuit, il y a même eu un court-circuit général, certains fils électriques placés provisoirement étant carrément dans l'eau. Vivement les beaux jours, vivement le printemps !
26.01.2010. il y a bien eu une accalmie hier après-midi mais le temps de chien a repris ses droits. Seulement cinq ouvriers se sont présentés au riad ce matin dont Abdessalam. En fait les maçons en général ne viennent pas travailler quand il pleut trop, ils restent tout simplement chez eux sans avertir. C'est l'usage ici au Maroc et personne n'y retrouve à redire.
Abdessalam m'avait dit hier qu'un traitement de la terrasse avec un produit appelé Polycot allait être effectué aujourd'hui mais je vois que cela aussi va devoir être reporté. Décidément, le mauvais temps s'acharne sur le chantier.
30.01.2010. Hier enfin, après une période de temps sec de plusieurs jours d'affilée, les ouvriers ont pu travailler à la terrasse. Ils ont enduit le sol de Polycot, une émulsion bitumeuse censée fermer les pores de la chape et améliorer ainsi l'étancheité. En fin de journée, la terrasse a une belle couleur noire et est prête à accueillir les deux couches croisées de carton bitumeux collées au goudron chaud donc liquide et ensuite viendront les zelliges en phase finale.
Aujourd'hui, les menuisiers s'affairent à placer le solivage du couloir de la troisième façade du riad. Evidemment, je dois surveiller de loin, afin de m'assurer que le traitement au xylophène soit bien effectué.
En montant les paquets de voliges à l'aide de la corde et de la poulie, Abdessalam a évité de justesse un accident. En effet, le fil de fer qui maintenait la poulie en place a dû rouiller au fil du temps et a donc cédé, précipitant toute la charge vers le sol. Heureusement, Abdessalam regardait vers le haut à ce moment et a juste eu le temps de faire un écart. Plus de peur que de mal.
02.02.2010. Nous allons enfin commencer les travaux d'étanchéité de la terrasse du riad, les prévisions météorologiques sont optimistes et il fait beau ce matin.
Je reviens du petit déjeuner un peu après 9 heures mais les maalems qui vont faire ce travail ne sont toujours pas là. En effet, Rachid a donné cette tâche à une équipe de spécialistes qui ne font que cela et qui travaillent dans tout le Maroc.
Enfin, à 9h30, le chef d'équipe arrive et un peu plus tard ses ouvriers. Il faut d'abord chauffer le goudron dans un grand tonneau, ce qui prend bien une heure. Entre temps, j'entreprends de balayer très soigneusement la terrasse car il y a beaucoup de petites pierres qui risquent de percer le carton bitumeux, je préfère donc le faire moi-même. En attendant que le goudron chauffe, les ouvriers déploient les rouleaux de carton et les coupent aux longueurs voulues. Il y a deux qualités (en fait deux épaisseurs) de carton, l'un de 27mm et l'autre de 36mm. J'ai choisi la deuxième pour la sécurité et nous allons appliquer deux couches croisées dont les bords remonteront le long des murs sur une hauteur de vingt centimètres. En finition, nous appliquerons encore une couche de bitume. Il faut compter deux kilos de goudron par mètre carré et comme nous appliquons trois couches, cela fera 6kg/m2.
Le carton est collé à la dalle par le goudron bouillant et comme nous sommes en hiver, celui ci se solidifie en l'espace de quelques minutes. Chaque bande de carton recouvre la précédente sur une largeur de vingt centimètres et il faut bien noter le sens d'écoulement de l'eau de pluie afin de déterminer le sens du recouvrement des bandes.
La deuxième couche est appliquée perpendiculairement à la première et aussi collée au goudron et en fin de journée, les ouvriers appliquent une dernière couche de finition. Tout a été fait en une fois et ils n'ont pas arrêté de travailler. Un peu de ciment est saupoudré sur le goudron afin d'éviter qu'il ne colle aux chaussures.
Le temps a été clément avec nous aujourd'hui malgré quelques alertes pendant lesquelles quelques gouttes sont tombées. J'ai eu peur car si nous avions subi une véritable averse, nous aurions dû interrompre les travaux vu qu'à présent le sol met plusieurs jours à sécher.
20.02.2010. A présent tous les crépis de trois façades sont terminés. Ce mois de Février est particulièrement humide, il ne se passe pratiquement pas un seul jour sans une averse et le thermomètre descend parfois jusqu'à 5 ou 6 degrés. Les gens d'ici sont ravis car il est sûr qu'un bon hiver pluvieux est excellent pour les futures cultures et pour les nappes phréatiques. Dans l'Atlas, la neige est abondante et forme un stock d'eau qui sera disponible au retour des beaux jours. Les rivières seront alors à leur niveau maximum et l'irrigation en sera grandement facilitée.
Mais au riad, cela pose parfois problème car les ouvriers doivent plier bagages et se réfugier à l'intérieur quand survient une bonne averse. Il est vrai, ce temps froid et humide est idéal pour réaliser les enduits au ciment car celui ci sèche lentement, adhère bien au mur et ne se fissurera pas. Si l'on faisait ce travail au mois d'août, il faudrait constamment arroser sinon le ciment "tirerait" trop vite.
Nous avons commencé les travaux à la troisième façade du riad. Les murs porteurs qui semblaient solides sont en fait constitués de pierres de toutes formes et de terre, sans aucun mortier si ce n'est un peu de chaux. Il est hors de question de les conserver dans l'état donc nous entreprenons de les remplacer par des briques pleines en commençant par le bas selon la même technique décrite précédemment. En plus, ce mur est humide donc pour éviter les infiltrations par capillarité ascendante, je fais placer à la base sur la semelle une bande de carton bitumeux enduit de goudron. Visiblement, les ouvriers ne connaissent pas ce principe que j'ai toutes les peines du monde à faire appliquer. C'est sûr que ce n'est pas traditionnel mais les Anciens n'avaient aussi aucune méthode fiable pour éviter les remontées d'humidité le long des murs. Les ouvriers doivent penser que je dois être fou de faire reposer un mur porteur du riad sur une feuille de carton mais cette technique est appliquée depuis longtemps en construction moderne où l'on fait reposer toute une maison sur une bande de carton enduite de bitume entre les fondations et les murs en briques ou agglos.
Ce mur porteur réalisé donc à présent en briques pleines sera en plus renforcé par des piliers en béton armé afin de soutenir la chambre sur la terrasse. Utiliser les méthodes traditionnelles et y ajouter quand cela est nécessaire quelques éléments empruntés aux nouvelles techniques, tel est le leit-motif de la restauration de notre riad.
21.02.2010. Mes efforts d'hier ont été réduits à néant. J'ai eu beau expliquer aux ouvriers l'utilité et le principe de la feuille de carton bitumeux, ils ont ce matin en mon absence allègrement continué à procéder comme ils ont l'habitude de faire et ils ont monté plus d'un mètre de briques sans poser la feuille de carton, donc ce que nous avons fait hier ne servira pratiquement à rien, l'humidité montera par cet endroit.
Il est très difficile de lutter contre des habitudes et des idées profondément ancrées. Il y a quelques jours, j'ai surpris un menuisier qui enduisait les plafonds des couloirs à l'huile de lin pure alors que j'avais exigé depuis longtemps l'utilisation d'un mélange avec de l'essence térébenthine qui pénètre mieux dans le bois. Ces ouvriers sont spécialisés dans les méthodes traditionnelles mais ils reproduisent fidèlement les mêmes erreurs et les mêmes problèmes que ceux du passé, sans essayer d'améliorer les techniques.
Pour ce mur qui a toujours été humide, nous devrons donc appliquer sur toute sa surface une feuille de carton bitumeux recouverte d'un grillage pour soutenir l'enduit alors qu'il aurait été si simple de stopper l'humidité dès la fondation.
10.03.2010. Le temps a été extrèmement pluvieux à Fès ces dernières semaines. On se croirait parfois en Asie pendant la mousson. Le changement climatique affecte-t-il le Maroc dans le sens d'une pluviosité accrue ? En tout cas, ce ne serait pas pour déplaire aux paysans qui voient d'un bon oeil cette manne tombée du ciel, promesse de récoltes riches et abondantes.
Pourtant ces pluies diluviennes n'ont pas que des effets positifs. Les maisons au Maroc et surtout à la campagne ne sont pas conçues pour endurer de longues périodes pluvieuses et beaucoup d'entre elles prennent l'eau ou s'effondrent carrément. A Meknès, une ancienne mosquée s'est écroulée sur les fidèles pendant la grande prière du vendredi, causant une cinquantaine de morts. Le roi a immédiatement ordonné la fermeture provisoire des plus anciens bâtiments du pays afin de procéder à des expertises pour juger de leur solidité. La zaouia en tête de notre derb a été ainsi verrouillée pour une période indéterminée.
Le riad a lui aussi souffert de ces intempéries. Nous avons dû étayer toute une façade qui commençait à afficher un ventre inquiétant. C'est sûr, cette partie doit être refaite entièrement vu sa vétusté et sa fragilité et il est probable que sans ces mesures de consolidation, toute cette aile du riad se serait effondrée cet hiver.
Par contre les parties restaurées n'ont pas bougé et la nouvelle terrasse est parfaitement étanche. Les partie de terrasse non restaurées ont connu quelques gouttières mais ceci est sans gravité puisqu'elles doivent être refaites.
Les travaux de la troisième façade ont bien progressé. A présent, le mur de fond de la chambre du rez de chaussée est terminé. Nous avons aussi laissé des emplacements pour couler trois piliers de béton armé qui soutiendront les étages.
Nous avons mis en place les conduits de fumée des cheminées du grand salon et de la suite à l'étage. Il s'agit en fait de tuyaux de 20cm de diamètre en ciment réfractaire qui s'emboîtent les uns dans les autres. Les parties qui dépassent sur la terrasse vont être recouvertes de briques pleines avec joints apparents et surmontées d'un chapeau pyramidal comme les crénaux de notre borj. L'habillage des cheminées sera fait en briques creuses de 6cm. L'idéal serait d'y placer des inserts mais ceux ci ne sont pas très connus ici, du moins à Fès. Les faire venir de France coûterait une petite fortune vu le poids de ce matériel. En tout cas, il ne faudra pas faire des cheminées à feu ouvert car il est connu que les clients, avant de sortir de leur chambre d'hôtel en hiver, charge bien le foyer afin de retrouver à leur retour une bonne chaleur douce mais les risques d'incendie sont trop grands car on ne doit jamais laisser un feu ouvert sans surveillance.
J'ai laissé à Rachid quelques instructions écrites et des croquis. En effet, je rentre en France dans quelques jours pour au moins un mois. Il est possible qu'il y ait des erreurs commises pendant mon absence ou du moins des choses faites différemment de mes désirs mais il faut aussi penser à la famille. Cela fait plus de deux mois que je suis au Maroc et malgré le froid et la neige qui m'attendent, je suis content de pouvoir bientôt savourer une bonne choucroute ou un gratin dauphinois avec un verre de vin et de revoir les miens.

Voilà le printemps...
30.04.2010. Je suis resté un mois et demi en France. Mon séjour a été prolongé à cause d'un nuage de cendres volcaniques venu d'Islande et qui a causé le report de mon vol d'une dizaine de jours.
Les travaux au riad ont bien progressé et se sont concentrés sur la troisième façade, celle de l'entrée du riad. Dans la chambre du rez de chaussée, le mur arrière a été complètement rebâti en briques pleines puis entièrement recouvert de carton bitumeux et de goudron et enfin crépis sur un grillage fixé avec des plots de ciment pur.
La chambre à l'étage a été aussi rénovée, les plafonds refaits avec des nouvelles solives de cèdre et la nouvelle chambre commencée.
La mesriya a été complètement démolie sauf les murs extérieurs et quand on entre à présent dans le riad par la porte principale, on découvre un trou béant ouvert sur le ciel.
Le mur de façade du riad qui avait tant souffert cet hiver a été aussi en partie détruit et dans le patio, des tas de gravas et de pierres s'amoncellent sur le sol. Il a fallu évacuer des tonnes de débris et il reste encore beaucoup à faire. Le véhicule acheté par Rachid pour notre chantier a été complètement rentabilisé car je n'ose calculer le prix que cela aurait coûté en utilisant des ânes.
Ma chambre pendant mon absence a été également refaite, le mur en pisé du fond qui était toujours plus ou moins humide a été aussi recouvert de carton bitumeux et de goudron puis elle a été entièrement crépie avec du ciment additionné de Sika.
Je n'ai pas à me plaindre, les travaux ont été réalisés comme prévu et les instructions que j'avais données en partant ont été respectées.

Les chemins de la chaux
08.05.2010. Aujourd'hui, Rachid me propose de l'accompagner à Sefrou à 25 km de Fès. En effet, c'est là qu'est fabriquée la chaux de façon entièrement artisanale et il doit aller chercher un chargement avec sa camionnette.
Les fours à chaux sont disséminés au pied des collines qui forment les premiers contreforts de l'Atlas, à la sortie de la ville. Il faut prendre une piste pour s'y rendre au bout de laquelle on trouve les fours. Ce sont des trous circulaires dans le sol de 4 à 5 mètres de diamètre entourés de pierres sur une hauteur de plusieurs mètres et allant en se rétrécissant vers le sommet. La fabrication de la chaux vive consiste à brûler à haute température des roches calcaires à forte teneur en carbonate de calcium. Le combustible est évidemment le bois, d'énormes rondins qui sont introduits à la base du four. Il règne à l'entrée une très forte température et les ouvriers qui y jettent les quartiers de bois ne s'y attardent pas. Un gros panache de fumée noire s'échappe du sommet du four, la pollution de l'air n'est pas ici une préoccupation prioritaire.
A la fin de la cuisson qui dure 4 jours complets, le four est laissé au repos jusqu'à ce que la température baisse puis on récupère les blocs de chaux qui sont broyés dans une machine et mis en sacs.
Rachid fait donc charger sa camionnette puis nous retournons à Fès. A Bab Boujloud, l'entrée principale de la médina, des ouvriers nous attendent avec l'engin de transport qui doit ensuite se frayer un passage dans les ruelles étroites de la médina pleines de monde avec son chargement et ce, jusqu'à l'entrée du riad. Là, les sacs sont déchargés et entassés à l'intérieur près de la "piscine", notre bac à chaux. Celle ci sera mélangée au sable puis arrosée et après un temps de repos hélas très court (l'idéal serait qu'elle repose au moins six mois, mieux un an), elle sera utilisée en mortier par les maçons pour la construction des murs en briques pleines.
Le long chemin de la chaux...
17.05.2010. Le plafond de la chambre du rez de chaussée de la troisième façade e été démonté entièrement pour être refait. Il y avait un nid plein d'oisillons entre les solives et les madriers d'étayage. Les ouvriers l'ont délicatement enlevé et placé dans une niche de la chambre de l'étage. J'avais peur que les parents délaissent leur progéniture mais il n'en a rien été: ils ont vite repéré le nouvel emplacement du nid et ont repris leurs va-et-vients.
La chambre de la terrasse (appelée menzeh) est presque terminée d'être maçonnée, il ne reste que le plafond qui sera aussi fait de façon traditionnelle, avec un solivage en bois recouvert de terre et de sable (markouz), puis d'une chape et de carreaux.
Le déblayage des remblais est aussi presque terminé, des tonnes de gravas mis en sac qui doivent être évacués du riad. Il y a encore une quinzaine de jours de travail à la troisième façade, ensuite nous entreprendrons la reconstruction de la mesriya et les travaux de la quatrième et dernière façade.
Mon séjour à Fès touche à sa fin, je rentre de nouveau en France pour une quinzaine de jours.

Un été torride...
02.06.2010. Je suis de nouveau à Fès pour un séjour de deux semaines seulement. Cela fait presque un an jour pour jour que nous avons ouvert le chantier du riad. Bien sûr nous avons pris du retard car les travaux de gros-oeuvre avaient été estimés à une durée de dix mois, ce qui va être largement dépassé, mais qu'importe, l'essentiel est que le travail soit bien fait.
Pendant mon abscence, la troisième façade a été pratiquement terminée, sur la chambre de la terrasse, il manque seulement deux mètres de plafond.
Une partie du mur de la quatrième façade a été démolie et rebâtie. Ce pan de mur est celui qui a le plus souffert des grandes pluies de cet hiver et il accusait un décalage de près de 40 cm entre le sommet et la base. Certes, nous l'avons étayé afin qu'il ne s'écroule pas. A présent, il a été reconstruit sur la moité de sa hauteur, toujours en commençant par le bas. Ce qui est spectaculaire, c'est que le nouveau mur qui est parfaitement vertical, se trouve presque complètement à l'intérieur de l'ancien qui semble suspendu dans les airs mais qui en fait repose sur des madriers installés en travers du derb.
Une partie de ce mur a été entièrement démolie jusqu'à ses fondations si bien que le riad à cet endroit est complètement ouvert sur le derb et les gens qui passent font de grands yeux étonnés en voyant le patio et l'intérieur de la maison. Le soir, nous fermons cette partie avec une bâche et Rachid a demandé à Said, un ouvrier qui travaille au riad depuis le début (le responsable de la "piscine") de faire le gardien la nuit et aussi le vendredi, jour de repos. C'est sûr qu'il préfère écouter de la musique la nuit que de préparer de la chaux en journée. Surtout que l'été s'est bien installé à Fès, la température monte à 38 degrés en journée mais les matins et les soirées sont agréablement frais. Le climat de Fès n'est pas celui de Marrakech où c'est la fournaise en ce moment.
13.06.2010. Les travaux de refection du mur le long du derb avancent rapidement. Rachid y a placé 8 maâlems qui travaillent de part et d'autre de la façade. Le pan de mur qui avait été détruit jusqu'au sol, s'élève à présent à une hauteur de 3 mètres et le patio a retrouvé l'intimité qu'il avait avant.
La chambre supérieure est maintenant terminée. Sur sa terrasse, on jouit d'une vue imprenable de 360 degrés sur la médina et les alentours de Fès.
Nous allons bientôt commencer les travaux de la mesriya. Sur les conseils de tout le monde, j'ai opté pour une construction traditionnelle en briques pleines au lieu d'ériger une structure en piliers de béton armé avec un remplissage de briques creuses ou de moellons. L'ensemble aura ainsi une plus grande homogénéité. Dans la même optique, nous ferons également les plafonds des chambres et des couloirs en bois de cèdre comme dans le reste du riad.
Le temps a passé vite, je suis déjà à deux jours de mon départ de Fès et je ne reviendrai qu'au début d'août, peu avant le mois de Ramadan. Celui ci va tomber en plein été, cela promet un mois de jeûne difficile pour les ouvriers.
20.09.2010. Comme nous le redoutions, le mois de Ramadan a été un des plus chauds connus à ce jour, avec des pointes à 47 degrés. Les ouvriers ont énormément souffert et d'ailleurs quand je reviens au riad, je constate que les travaux n'ont guère avancé.
Au cours du mois de Juillet, les façades de la mesriya donnant sur le derb avaient été reconstruites. Le reste en béton a été complètement détruit. Il y a encore les façades mitoyennes, mais celles ci vont à coup sûr poser problème. En effet dans la médina, les maisons sont construites accolées les unes aux autres et les plus récentes utilisent souvent les murs des anciennes sans double paroi. Or dans notre cas, il va falloir refaire les murs mitoyens de la mesriya car ils ne sont pas en bon état. Alors, à qui appartiennent ces murs ? Au riad, évidemment, qui est le plus ancien, mais les voisins vont prétendre que ce sont "leurs" murs. Déjà des voix se sont élevées par anticipation...Il va falloir procéder avec précaution et diplomatie. En effet, il est hors de question de doubler les murs, ce qui signifierait que les chambres seraient d'autant plus petites, ce qui est impossible car elles ne sont déjà pas très larges dans la mesriya.
Le problème est que nous ne savons pas exactement quelle est l'épaisseur de ces murs. Si nous les grattons trop, il pourrait nous arriver de nous retrouver chez un voisin, comme l'année dernière.
Nous voilà fin Septembre, il y a quinze mois que nous avons débuté les travaux et le riad n'est fini qu'à 70% environ en ce qui concerne les travaux de gros-oeuvre, nous avons donc pris du retard par rapport aux 10 mois prévus au contrat. Mais il est clair que certains travaux supplémentaires ont dus être effectués à cause du mauvais état de certaines parties du riad. Nous mettons la pression sur Rachid afin qu'il accélère le rythme et qu'il mette en place une équipe supplémentaire.
28.09.2010. J'ai passé seulement 8 jours au chantier mais à présent, le riad bourdonne comme une rûche, Rachid a augmenté les effectifs et les ouvriers vont et viennent et tout le monde s'affaire. La léthargie, qui était de mise pendant le Ramadan, est oubliée, les travaux ont bien redémarré et Rachid m'assure que les gros-oeuvres seront terminés fin Décembre. S'ils continuent sur cette lancée, je veux bien le croire. Je rentre en France et reviendrai fin Octobre.
29.10.2010. Un mois s'est écoulé et me voilà de nouveau à l'aéroport de Casablanca. Sabah justement devait faire des examens médicaux à Rabat et Rachid s'étant proposé de l'y conduire, ils viennent donc me chercher à l'aéroport. Nous arrivons assez tard au riad et il fait déjà nuit depuis longtemps. Je fais avec Rachid un rapide tour car la curiosité me gagne mais je préfère remettre au lendemain ma visite complète du chantier.
30.10.2010 Evidemment, les travaux en deux mois ont fortement progressé. La mesriya est construite du rez de chaussée au premier étage et les ouvriers ont commencé le deuxième. On peut enfin se rendre compte de la disposition des pièces, des volumes et de l'accessibilité. Certes, je connais les lieux par coeur sur plans mais arpenter les couloirs, monter les escaliers et pénêtrer dans les chambres offre un autre sensation. Les plafonds sont finis, tout en cèdre qui sent bon l'huile de lin. les mûrs en briques traditionnelles scellées à la chaux.Seul élément moderne: les escaliers que j'ai préféré faire en béton armé plutôt qu'en bois. Pour des raisons de coût, certes, mais aussi pour réduire le bruit des pas. Je suis vraiment satisfait des travaux effectués pendant mon abscence.
Seuls les mûrs mitoyens n'ont pas encore été touchés. Ceux ci sont en pisé à la base puisqu'ils appartiennent à l'ancienne muraille donc avec une grande épaisseur, mais au dessus de cette muraille c'est à dire au deuxième étage, les voisins ont construit des mûrs beaucoup moins épais, tout au plus 20 cm, et faits de briques modernes et de moellons de mauvaise qualité. Il va falloir donc les détruire et les refaire en briques pleines traditionnelles. Ce qui veut dire que nous allons pénêtrer dans les appartements des voisins. Evidemment, ces pièces ont été érigées assez récemment, c'est à dire il y a une vintaine ou une trentaine d'années, de façon illégale et sans aucun permis de construire. A l'époque, tout le monde procédait ainsi dans la médina qui s'est développée de façon anarchique au fil du temps et depuis des siècles sans aucun plan d'ensemble. Mais c'est aussi ce qui fait son charme.
C'est ce double argument que nous allons présenter aux voisins: << vous avez construit de façon illégale, nous allons vous refaire un mur tout neuf et en même temps "légaliser" votre construction >>. Quand ces négotiations commenceront, je prendrai soin de disparaitre car s'ils voient un visage d'Européen, les enchères risquent de grimper...Je les laisserai bien régler cette affaire entre eux.
04.10.2010 Il fait encore très beau à Fès mais la température de 31 degrés qui m'attendait à la descente d'avion à Casa a sérieusement baissé, surtout la nuit. Mais la journée est idéale à présent pour les ouvriers et les travaux avancent bien. Rachid a aussi augmenté les effectifs, 7 mâalems à présent, et aussi le nombre des ouvriers. Parmi ces derniers , souvent des changements s'opèrent et à chacun de mes voyages, je découvre de nouveaux visages. Seul Said, le responsable de la "piscine", est là depuis le début. Quant aux mâalems, ils restent fidèles à Rachid et sont plus ou moins les mêmes qu'au début du chantier. Il y a toujours Khlafa le Saharien, Tsaqi le taciturne, Icham qui était au début un électron libre, mi-manoeuvre et mi-ouvrier qualifié et qui a gagné désormais son statut de vrai mâalem, Djebilou qui tient son surnom de "montagnard" de son père, qui est toujours de bonne humeur et chante souvent mais qui arrive tous les matins en retard. Il règne parmi les mâalems, qui se connaissent bien, une bonne ambiance faite de rires et de blagues mais tout en travaillant. J'aime les observer faire les mêmes gestes éternels des bâtisseurs, placer une à une les briques faites à la main dans des fours traditionnels et scellées avec de la chaux fabriquée également de façon traditionnelle, exactement comme leurs prédécesseurs qui ont construit cette médina de Fès. J'ai la profonde satisfaction de réaliser le sauvetage d'un ancien riad qui par endroits menaçait déjà de tomber en ruine. Certes mon but n'est pas de participer à la restauration de la médina car je veux faire de ce riad une maison d'hôtes, mais en même temps, j'ai le sentiment d'apporter ma contribution à la sauvegarde d'un patrimoine.
08.11.2010 Les travaux ont bien avancé pendant mon séjour. A présent, la mesriya a son premier étage pratiquement terminé, il reste seulement à placer les solives du plafond et à construire la terrasse.
Aujourd'hui, nous allons commencé le mur mitoyen. Toute la partie haute sera refaite entièrement et les ouvriers ont déjà ouvert une large brêche qui donne sur une cage d'escaliers. Ces derniers jours, Abdessalam et Rachid ont parlé avec les voisins et tout s'est fait en douceur. Ils ont seulement éxigé qu'une partie qui donne dans une chambre à coucher ne soit commencée qu'après l'Aid qui est dans une semaine, ce qui est normal car l'Aid El Kebir est la plus grande fête musulmane et ils ne tiennent pas à avoir des ouvriers qui travaillent chez eux pendant les fêtes.
Les électriciens ont commencé à placer les tubes oranges des fils et poser les prises de courant. Il faut se presser afin de faire au plus vite la terrasse et surtout les travaux d'étanchéité qui nous avaient tant tracassés l'année dernière à cause du mauvais temps.
09.11.2010 Je quitte un chantier en bonne voie, Rachid avait promis la fin des travaux de gros-oeuvre pour la fin de l'année, nous sommes bien partis pour réussir.
Je reviendrai dans un mois. Comme l'an dernier, je laisse en partant une enveloppe contenant les primes de l'Aid pour les ouvriers. Comme ils sont plus nombreux, 25 à présent, cela alourdit mon budget mais c'est un geste obligatoire attendu de tous. Et ils le méritent bien.
14.12.2010 Je suis de nouveau à Fès pour une petite dizaine de jours juste avant les fêtes de Noèl.
J'aurais dû me méfier de la facilité avec laquelle nous nous étions entendus avec les voisins mitoyens. Pendant mon absence, il s'est passé en effet beaucoup de choses ! La trêve de l'Aid ayant été respectée, l'équipe a voulu continuer les travaux et commencer la réfection du mur qui donne dans la chambre du voisin. Et là, le ton avait complètement changé: interdiction de toucher à cette partie et blocage du chantier. Discussions interminable, intervention du mokadem, du caid et autres commissions. En aparte, il s'avèrait que cela pouvait et devait s'arranger avec de l'argent. Beaucoup d'argent. Et, je l'ai appris par la suite, c'est devenu une habitude dans la médina: dès que quelqu'un ouvre un chantier, les voisins trouvent n'importe quel prétexte pour demander de se faire dédommager en portant plainte. Quand une plainte est déposée, les autorités ont le devoir de faire arrêter les travaux jusqu'à l'instruction, ce qui peut durer longtemps. Donc le maître d'ouvrage n'a pas d'autre choix que d'essayer de s'arranger à l'amiable avac les plaignants. Et qui dit ici "arrangement à l'amiable" veut dire...le "flous", l'argent.
Heureusement, Sabah est entrée dans la partie, a convoqué les bonnes personnes qui ont fait pression sur les voisins, en les menaçant, s'il s'avérait que leur plainte n'était pas recevable, de faire payer une astreinte de 2000 Dhs par jour d'arrêt du chantier. Finalement, tout est plus ou moins rentré dans l'ordre, Rachid ayant, en plus des travaux intérieurs de la chambre, proposé de refaire complètement un couloir, le plafond en bois de cèdre et l'étanchéité de leur terrasse. Rien que cela ! Et ils voulaient encore qu'on leur pose de nouveaux carreaux sur le sol !
Tout ceci a fait que les travaux au riad ont pris du retard. Certes, à présent, la mesriya est en partie terminée mais il reste le troisième niveau à finir avec l'étanchéité de sa terrasse surtout, avant les grandes pluies qui n'ont heureusement pas encore commencé alors que l'hiver approche à grands pas.


Abdessalam et Rachid


Grande terrasse


Grande terrasse avant traitement


Traitement du sol de la terrasse au Polycot


Etanchéité de la terrasse au bitume


Pose d'une goulotte d'écoulement en plomb


Pose de 2 couches croisées de carton bitumeux


Finition avec une couche de goudron


Le goudron est chauffé dans un tonneau


Finition avec saupoudrage de ciment sur le goudron


Façades intérieures crépies au ciment


Arcades de la future suite royale


Couloir


Confection d'un arrondi de fenêtre avec gabarit


Vue sur le patio


Refection complète d'un mur


Le véhicule de transport du chantier


Construction du menzeh


Démolition complète d'un mur du riad


Le mur du riad est reconstruit de la base


Vue du toit du menzeh, la chambre supérieure


L'ancienne mesriya en béton est entièrement détruite


La mesriya est démolie à la main


Four à chaux traditionnel près de Sefrou


Transport de la chaux dans le médina


La mesriya est reconstruite en briques traditionnelles


Le nouveau deuxième étage de la mesriya


Curiosité justifiée


Ramadan: en attendant les clients


Construction d'un escalier


Mesriya et son puit de lumière central


Façade du riad


Mur de chambre dans la mesriya


Vue générale du riad Octobre 2010


Vue sur la grande terrasse et l'ancien borj


Travail d'équipe pour la construction d'un mur


Vue sur le patio de la mesriya


Vue sur la petite terrasse de la mesriya


Petite terrasse mesriya

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